Saints dominicains du XIIIe siècle

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Saint Hyacinthe de Pologne

À gauche : saint Hyacinthe

Le Père Besson

Vitrail réalisé au couvent. Dans son livre sur le P. Danzas, le P. Berthier dévoile le modèle qui a inspiré ce vitrail : « Ailleurs nous verrons S. Hyacinthe représenté sous les traits du P. Hyacinthe Besson. Le P. Danzas aimait à rappeler ainsi les traits de ceux qu’il aimait. » Le P. Besson, artiste lui aussi, était parmi les premiers compagnons de Lacordaire dans la restauration de l’Ordre, avec le P. Danzas.

Biographie de saint Hyacinthe (Jacek) Odrowąż de Pologne
  • Naissance vers 1183 à Kamień Śląski près d’Opole en Pologne
  • Décès 15 août 1257 à Cracovie
  • Canonisé en 1594
  • Fêté le 17 août

De famille noble, frère ou cousin du Bx Ceslas Odrowąż (fêté le 17 juillet), il étudia à Cracovie, Prague et Bologne, puis devint prêtre (et sans doute chanoine) à Cracovie. En 1218 son oncle Yves Konski, évêque de Cracovie, emmène ses deux neveux à Rome, et demande à saint Dominique des missionnaires pour son diocèse. Saint Dominique lui dit qu’il n’en a pas de disponibles mais qu’il peut en former sur place : Hyacinthe, Ceslas, et deux personnes de la suite de l’évêque, Hermann le Teutonique et Henri le Morave. Saint Dominique leur donne l’habit à Sainte-Sabine en mars 1218, ils font leurs vœux au bout de six mois de noviciat. Saint Dominique établit Hyacinthe supérieur de la mission, et pour respecter leur nouvelle règle, ils reviennent en Pologne à pied et sans provisions (donc pas avec l’évêque Yves).Passant en Haute-Carinthie, ils restent six mois et fondent à Friesach un couvent avec Hermann comme supérieur. Ils passent en Styrie, Autriche, Moravie, Silésie, puis arrivent à Cracovie où Hyacinthe fonde un couvent avec l’aide de son oncle. Beaucoup de gens entrent dans ce couvent, et Hyacinthe évangélise la population avec succès. Zèle et ascèse. La Sainte Vierge lui apparaît souvent.
Il envoie Ceslas et Henri à Prague où ils fondent le couvent Saint-Clément, et part lui-même évangéliser le Nord. Il fonde des couvents à Sandomir sur la Vistule ; à Ploko en Moravie ; dans une petite île déserte où plus tard sera construite la ville de Dantzig ; à Culm en Prusse (ennuis avec les Chevaliers Teutoniques) ; à Cammin, à Premislau, à l’île de Rugen, à Elbing, à Montréal en Poméranie. Il va aussi en Danemark, Suède, Gothie, Norvège, Écosse, Livonie, Petite-Russie, Constantinople, Chio, Grande-Russie (ou Moscovie), il construit un couvent à Kiev (1229-1233) mais doit fuir car les Tartares détruisent la ville (il emporte le Saint Sacrement), il revient à Cracovie (1241-1243), fait divers miracles, évangélise la Cumanie, la Tartarie, le Tibet, le nord de la Chine, la Volhynie, la Podolie, la Lithuanie, la Finlande.

Le tout sans armes, sans monture, sans argent, sans interprète, sans fourrures, parfois sans guide, mais Dieu l’a protégé puisqu’il est revenu en bonne santé à Cracovie, âgé de plus de 72 ans.

Il mourut en disant le psaume « Entre tes mains Seigneur je remets mon esprit ». Quand il fut question de le canoniser, les témoignages attestèrent, rien que pour Cracovie, 50 résurrections, 72 agonisants rétablis en santé, et une infinité de malades guéris. Il a fondé la Province de Pologne mais ne voulut jamais être provincial ni évêque, il voulait être libre. Il traversa à pied sec les grands fleuves, et la Vierge Marie venait converser avec lui. Des témoins oculaires rapportent à son propos plusieurs prodiges comme la traversée miraculeuse de la Vistule sur sa chape, alors qu’il transportait l’Eucharistie et la statue de la Vierge. Ne cessant jamais de mener la vie austère et priante des premiers dominicains. Ne se déplaçant qu’à pied et vivant d’aumônes. « Il était humble, charitable, compatissant et avait des entrailles de père pour tous les hommes ». Il fut canonisé en 1594. Patron de la Pologne, Poméranie, Prusse, Lituanie, Russie, Cracovie, Kiev, Wroclaw ; on l’invoque pour le danger de noyade, contre la stérilité et pour avoir un accouchement facile. Anne d’Autriche, mère de Louis XIV, obtient du roi Ladislas de Pologne une partie des reliques d’Hyacinthe qu’elle offre aux dominicains de la rue Saint-Honoré [Voir le dictionnaire des saints (allemand)].

Au centre : saint Pierre de Vérone

Vitrail réalisé par l’entreprise Barelon.

Biographie de saint Pierre de Vérone, premier martyr dominicain
Saint Pierre de Vérone
  • Naissance vers 1203 à Vérone
  • Décès le 6 avril 1252 près de Seveso
  • Canonisé en 1253 par Innocent IV
  • Fêté le 4 juin

Fils de cathares, il se convertit très jeune à la foi catholique. On dit que tout petit, malgré les réticences familiales, il récitait plusieurs fois par jour le Credo. À Bologne où il faisait ses études, il rencontra les Frères prêcheurs et reçut l’habit dominicain des mains de st Dominique, à l’âge de 16 ans.

Après son ordination, il prêcha surtout chez les cathares du nord de l’Italie, auprès desquels il pratiqua, à l’exemple de st Dominique, la méthode évangélique du dialogue.

Puis sa renommée augmenta et il fut choisi comme prieur à Asti, Plaisance, Gênes, Aoste, Iesi, Côme. Toutefois, presque toute son activité se déroulera principalement à Milan, où il finit par fonder le couvent Saint Pierre in Campo Santo.

Tout en luttant contre les croyances des cathares, il se consacra à la formation chrétienne des laïcs, à la diffusion du culte de la Vierge, et à la création d’institutions visant à la défense de l’orthodoxie catholique. Ses prédications, renforcées par de solides connaissances de la Bible, s’accompagnaient d’une vie d’ascèse et de charité, des miracles lui sont aussi attribués. Par un travail apostolique inlassable, il obtint de nombreuses conversions et fut aussi le promoteur d’Associations de la foi et de Confréries de louange de la Vierge Marie.

Á Florence, il noua de profondes amitiés avec les sept fondateurs de l’Ordre des Servites de Marie, et finit même par devenir leur conseiller.

Nommé inquisiteur de Lombardie en 1242, puis en 1251 inquisiteur pour Milan et Côme (en cette dernière ville il fut aussi élu prieur), il envoya au bûcher bon nombre de cathares et vit se concentrer sur lui la haine des ennemis de la foi catholique, ce qui lui fit dire qu’il s’attendait à mourir de mort violente. Et il avait raison, car le 6 avril 1252, jour de Pâques, il fut attaqué sur la route de Côme à Milan, en un lieu nommé Barlasina, par des assassins, notamment un certain Pietro de Balsamo, dit Carino, qui le blessa avec une serpe et le poignarda ensuite (par la suite, Carino se convertit). Avant de mourir, Pierre écrivit avec son sang le début du Credo. Son compagnon frère Dominique fut tué aussi.

Onze mois après sa mort, dès 1253, Innocent IV le canonisa, « pour exalter en lui le héros de la lutte contre l’hérésie cathare ». Dans sa Bulle de canonisation le Pape lui reconnaissait « dévotion, humilité, obéissance, bienveillance, piété, patience, charité » et le présentait comme un « amant fervent de la foi, son éminent connaisseur et son encore plus ardent défenseur ». Sa vie fut écrite quelques années après sa mort par un de ses anciens compagnons d’apostolat, frère Thomas de Lentini, prieur et fondateur du couvent de Naples, qui donna l’habit à saint Thomas d’Aquin.

Patron de Côme, Crémone, Modène, de la Lombardie ; des accouchées, des brasseurs à Cologne. Un des plus beaux éloges de cette vie a été écrit par Catherine de Sienne dans son Dialogue (2, 5).

À droite : saint Raymond de Peñafort

Vitrail réalisé au couvent.

Saint Raymond de Peñafort
Biographie de saint Raymond de Peñafort
  • Naissance vers 1175 Villafranca de Penades (près de Barcelone)
  • Décès 6 janvier 1275 à Barcelone
  • Béatifié en 1542
  • Canonisé en 1601
  • Fêté le 6 janvier

Raymond de Peñafort, apparenté aux comtes de Barcelone et aux rois d’Aragon, étudia à Barcelone où, à peine âgé de 20 ans, il enseigna la rhétorique et la logique. En 1210, il partit à Bologne, la plus grande Université de Droit de son temps. Il fit la route à pied, par Arles, Briançon et Turin. Après avoir été reçu docteur (1216), il resta à Bologne où, pendant trois ans, il enseigna le droit canonique avec succès ; après avoir donné le dixième de son salaire au clergé de sa paroisse, il distribuait le reste aux pauvres, ne gardant pour lui que le strict nécessaire. L’évêque de Barcelone, Berenguer de Palou, qui passait par Bologne au retour d’un pèlerinage à Rome, entendit si fort chanter les louanges de Raymond qu’il le recruta pour le séminaire qu’il voulait fonder dans son diocèse, et l’emmena avec lui (1219). A Viterbe où résidait le pape Honorius III, ils rencontrèrent saint Dominique qui leur donna quelques frères. Raymond fut nommé chanoine de la cathédrale de Barcelone, puis prévôt du chapitre, archidiacre, grand vicaire et official (1220) ; outre qu’il fit donner une grande solennité à l’Ascension, il travailla fort au soin des pauvres qu’il nommait ses créanciers.
En 1222, à 47 ans, il quittait le clergé séculier pour les Dominicains, sans perdre pour autant son influence sur l’évêque et le diocèse de Barcelone. Voyant que ses supérieurs ne le traitaient pas comme les autres novices, Raymond demanda qu’on lui imposât une pénitence particulière pour les fautes commises pendant sa vie séculière ; c’est pour répondre à sa demande que le provincial lui ordonna d’écrire la Summa de pænitentia, premier ouvrage du genre, qui rassemble les cas de conscience à l’usage des confesseurs.
Préoccupé par l’islam, il encourage saint Thomas d’Aquin à écrire la Somme contre les Gentils ; et simultanément, lorsque saint Pierre Nolasque, ancien marchand, fonda l’Ordre de la Merci pour le rachat des chrétiens captifs des Sarrasins (1223), c’est Raymond qui donna l’habit et le scapulaire aux premiers mercédaires ; il rédigea aussi la règle de ce nouvel Ordre pour laquelle il obtiendra l’approbation du pape Grégoire IX (1235).
En 1229, le cardinal de Sainte-Sabine, Jean d’Abbeville, fut envoyé comme légat en Espagne pour prêcher la croisade contre les Maures, et mettre en application les décrets du quatrième concile du Latran ; il devait aussi déclarer nul le mariage de Jacques 1er d’Aragon avec Éléonore de Castille. Le légat s’adjoignit Raymond, et en rendant compte de sa mission au Pape, il mit en avant la coopération efficace de Raymond, qui fut chargé par Grégoire IX de prêcher dans les provinces d’Arles et de Narbonne la croisade dirigée par Jacques 1er pour chasser les Maures de Majorque.
L’année suivante, Grégoire IX l’appela à la cour pontificale et en fit son confesseur, puis son chapelain. Raymond refusa un évêché (1234), exténué il quitta Rome (1236) et rentra en Espagne. Lorsqu’il débarqua au port catalan de Tossa, on le conduisit près d’un mourant qui était dans le coma et dont les parents se désolaient qu’il ne pût se confesser. Raymond pria longtemps, puis lui demanda s’il voulait se confesser, mais pas de réponse. Il fit alors mettre en prière tous ceux qui se trouvaient là, puis reposa la question ; cette fois, le malade parut sortir d’un profond sommeil et dit que oui. Raymond fit sortir les assistants, entendit le malade qui, l’absolution dite, rendit paisiblement l’âme.
Il participa aux Cortès où Jacques Ier prépara l’expédition contre le royaume maure de Valence. En 1237, Grégoire IX le chargea d’absoudre Jacques Ier de son excommunication. Cette année-là, Raymond dut quitter un moment Barcelone puisqu’on le voit exercer les fonctions de pénitencier.
Après la mort en mer du Bx Jourdain de Saxe (12 février 1237), le chapitre général de l’Ordre, qui se réunit à Bologne en 1238, élut Raymond de Peñafort comme maître général (le 3e) bien qu’il fût resté à Barcelone. Après avoir hésité, il finit par accepter son élection. Soucieux de conserver la régulière observance, dès le chapitre général de Paris (1239), il fit établir de nouvelles constitutions qui restèrent en usage jusqu’en 1924.

En 1240, prétextant son grand âge (65 ans), il demande à être relevé de la charge de Maître de l’Ordre, ce qui ne l’empêchera pas de mourir centenaire, et il retourna dans son couvent de Barcelone d’où il partit souvent pour de nombreuses prédications et pour conseiller le roi Jacques Ier. Il avait de l’amitié pour ce roi mais il était lucide sur ses faiblesses qu’il n’excusait pas. Vers la fin du règne de Jacques, Raymond l’accompagna dans l’île de Majorque qu’il fallait remettre en ordre. Or Raymond s’aperçut que le roi entretenait des relations coupables avec une dame de la cour et refusait de rompre. Le dominicain résolut donc de retourner à Barcelone, ce que voulut empêcher le roi qui interdit à tout vaisseau de l’embarquer. Aucun marin n’ayant osé désobéir au roi, Raymond dit au frère qui l’accompagnait : « Puisque les hommes n’ont pas de bateau à nous offrir, tu vas voir comment Dieu va nous en fabriquer un » ; il étendit sur l’eau son manteau et en redressa un coin avec son bâton pour en faire une voile ; il monta sur le manteau qui surnagea et s’avança rapide sous les yeux stupéfaits du compagnon qui, demeuré timidement sur le bord, le vit disparaître à l’horizon. Six heures après, Raymond débarqua dans le port de Barcelone, se revêtit de son manteau resté sec, alla au couvent et se jeta aux pieds du prieur pour lui demander sa bénédiction. Ce prodige inouï se répandit bientôt dans toute la ville, car plusieurs personnes avaient été témoins de son débarquement. Ce fut assez pour que le roi cesse ses désordres.
Raymond de Peñafort fit beaucoup l’apostolat auprès des juifs et des musulmans ; il fut aussi un adversaire efficace de l’hérésie en Catalogne et en Espagne, obtenant que Jacques Ier introduisît l’Inquisition en ses États. Pour former les missionnaires, il fonda quelques écoles de langues orientales comme l’école arabe de Tunis (1245) et l’école d’hébreu de Murcie (1266). Il employa les 35 dernières années de sa vie à se préparer plus spécialement à la mort et accueillit avec joie sa dernière maladie. Il mourut entouré des rois d’Aragon et de Castille.
Il brilla non moins par sa vaste science que par ses vertus ; il se fit même, dans l’enseignement du droit ecclésiastique, une réputation extraordinaire. Chargé par le pape des plus hautes missions apostoliques et scientifiques, il dépassa partout les espérances qu’on avait conçues de lui. Sa prière était continuelle et presque toujours accompagnée d’abondantes larmes. Notre-Seigneur lui avait donné pour familier un de ses anges qui le réveillait à propos, pour lui permettre de vaquer à l’oraison. Il ne montait jamais à l’autel sans avoir confessé ses plus légères fragilités. Il disait souvent : « Les jours où de graves empêchements m’ont privé de la sainte Messe ont toujours été pour moi des jours de deuil et d’affliction. »
Grégoire IX, qui savait détecter les gens intelligents, lui confie la rédaction d’une Somme des cas pénitentiaux, puis celle des Décrétales qui serviront de code de droit canonique à l’Église catholique jusqu’en 1917. Il fit solenniser davantage la fête de l’Annonciation. La plupart de ses ouvrages servirent longtemps de référence chez les Dominicains et à l’Université de Paris. Il s’agit moins de traités théoriques que de réponses pratiques à des questions concrètes ; Raymond de Peñafort, que ses contemporains ont appelé le « Doctor humanus », donne des jugements et des conseils où il se montre plus soucieux du bien des pénitents que du juste équilibre d’un traité de droit canon ; il est toujours nuancé, désireux de sauvegarder la bonne foi des autres, surtout des simples, alors qu’on pourrait les juger proches des courants hétérodoxes. Son mérite principal est de réaliser un ensemble équilibré de divers courants de pensée quant au renouveau de la vie chrétienne de son temps, spécialement à propos de la formation des prêtres en matière de vie morale, de doctrine et de prédication. « Vous n’ignorez pas que les chemins qui conduisent au ciel sont différents selon les vocations…Quand le ciel a montré la voie, il ne faut pas s’en écarter » (Lettre de Raymond à saint Pierre Nolasque). Patron des canonistes.

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