Saint Dominique et ses proches

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L’ensemble de cette verrière fait référence aux tous premiers temps de l’Ordre, la famille de Dominique à gauche, la rencontre — historiquement possible, mais qui n’est pas attestée — entre S. Dominique et S. François d’Assise, et le fr. Réginald, l’un des premiers frères.

Au centre : la rencontre de saint Dominique et de saint François

Cette rencontre des deux fondateurs n’est pas attestée historiquement, mais elle a été représentée deux fois par le P. Danzas dans l’église, ici et dans le vitrail central du chœur.

À gauche : Jeanne d’Aza, la mère de saint Dominique, et Mannès, son frère

Vitrail réalisé par l’entreprise Barelon. Il représente la mère et le frère de saint Dominique.

Biographie de Jeanne d’Aza

C’est la mère de S. Dominique, épouse de Félix, dont nous ne savons à peu près rien. Cela n’empêche pas l’hagiographie. Née à Aza vers 1140 et décédée à Caleruega vers 1190/1200, son culte, confirmé en 1828, est fêté le 2 août.

Mère de saint Dominique et du bienheureux Mannès de Guzman ; invoquée pour la fertilité des champs. C’était une femme d’une éminente vertu et d’un remarquable caractère. Bien qu’elle ne soit pas formellement dominicaine, la mère de saint Dominique mérite d’être citée, soit pour avoir mis au monde et éduqué dans la foi le Fondateur de l’Ordre, soit comme bienheureuse laïque.

De noble famille castillane, fille du grand maréchal de Castille Don Garcia d’Aza, tuteur du roi Alfonso VIII, elle épousa Félix de Guzman, gouverneur du bourg de Caleruega, et de cette union naquirent trois fils qui devinrent tous prêtres. L’aîné, Antonio, consacra sa vie entière au service des malades dans un hôpital. Le deuxième, le bienheureux Mannès, au contraire, a collaboré avec son petit frère, Domingo. Celui-ci, né le 24 juin 1170, vint réjouir le cœur de Jeanne qui, plus très jeune, avait fait un pèlerinage à l’abbaye bénédictine de Silos pour demander sur la tombe du fondateur, saint Dominique de Silos, protecteur des femmes enceintes, la grâce d’un autre fils pour perpétuer le nom de la famille. Mais le Seigneur accorde toujours infiniment plus que ce qu’on lui demande ! Les deux parents de saint Dominique sont cités par Dante : « Ô son père vraiment Félix (= heureux) ! Ô sa mère vraiment Jeanne (en hébreu Jean/Jeanne signifie “le Seigneur est sa grâce”, car elle a trouvé pleinement la grâce du Seigneur qui lui a donné un tel fils) ! »

Pendant que Jeanne attendait Dominique, elle rêva qu’elle portait dans son sein un chien, qui s’enfuit en tenant dans sa gueule une torche enflammée. La marraine, elle, vit son futur filleul avec une étoile sur le front. Elles ignoraient que le chien symbolisait la fidélité, la torche l’ardeur de la charité avec laquelle Dominique allait incendier le monde, l’étoile la splendeur de la vérité avec laquelle il allait éclairer les esprits obscurcis par l’erreur. Le chien, la torche et l’étoile devinrent ainsi les symboles de saint Dominique et des frères de son Ordre, vêtus de blanc et noir, chiens fidèles à Dieu.

Jeanne se montra toujours l’ange tutélaire de sa maison : première enseignante de ses fils, elle les éduqua à la sainteté et à la vertu. Elle confia Dominique encore enfant à son frère archiprêtre. Bien qu’elle eût espéré pouvoir choyer des petits-enfants, elle ne s’opposa pas au dessein de la Providence ni aux signes très précoces de la vocation de son fils. Dieu ne tarda pas à lui montrer les splendides fruits des graines qu’elle avait plantées dans leur cœur avec tant d’amour.

Mais après ses fils, les pauvres avaient la deuxième place dans ses préoccupations, au point qu’elle vit se multiplier miraculeusement ses aumônes quand elles n’étaient pas suffisantes. Ces signes de la Providence montrèrent aux yeux de tous la hauteur de perfection et d’intimité avec Dieu à laquelle Jeanne était arrivée.

Pour le reste, on n’a pas plus de détails historiques sur la vie de cette dame. Quand elle mourut, son fils Dominique s’était éloigné d’elle comme le chien du rêve, mais sa torche lumineuse commençait à resplendir dans le monde. Les malades, les pauvres et les affligés se mirent spontanément à l’invoquer comme une sainte devant ses reliques, conservées dans l’église paroissiale, obtenant ainsi grâces et protection.

Biographie du bienheureux Mannès

Né vers 1170 et décédé en 1236 à Gumiel d’Izàn, Mannès a été béatifié en 1834. Il est fêté le 18 août.

Remarquable par sa simplicité et sa sincérité, et adonné à la contemplation. Frère de saint Dominique, Mannès fut un de ses premiers disciples, recevant de ses mains l’habit en 1215. Il fut son inébranlable collaborateur dans la diffusion de l’Ordre, et pour évangéliser les cathares dans le Languedoc et un des fondateurs du couvent Saint Jacques à Paris en 1217. En 1219 Dominique lui confie la direction spirituelle du monastère de Madrid. Il fut un prédicateur ardent, doux, humble et jovial, et sage conseiller des moniales de Prouille. Âme de grande candeur, inclinée au silence et au recueillement, il fut appelé « le contemplatif ». Aux fatigues et aux sueurs, selon l’exemple de st Dominique, il ajouta les prières et les pénitences connues seulement de Dieu. Comblé de mérites, il mourut au monastère Saint-Pierre de Gumiel où était le tombeau familial. Sa tombe fut illustre par des miracles.

Pourquoi Jeanne porte-t-elle un médaillon figurant un chien portant une torche ?

C’est l’application à S. Dominique, pour des questions d’homonymie probablement (Domini canusDominicus), d’une pieuse histoire racontée à propos de S. Bernard. On retrouve souvent le chien et la torche dans l’iconographie de S. Dominique. Voici le texte de la vie de saint Bernard :

Sa mère, avant la conception, avait été l’objet d’une vision. Il lui semblait porter en son sein un petit chien qui tenait dans sa gueule une torche enflammée, puis sortant du ventre maternel, paraissait embraser le monde entier. Cela présageait qu’elle allait concevoir un remarquable prédicateur qui réveillerait les âmes endormies dans le péché par les aboiements de la science sacrée et répandrait dans l’univers le feu que le Seigneur Jésus vint apporter sur terre.

Alanus, Vita secunda sancti Bernardi, P.L., t. CLXXXV, col. 470 D-471 A.

À droite : le bienheureux Réginald reçoit le scapulaire

Vitrail réalisé par l’entreprise Barelon. Aux côtés des jeunes gens comme Jourdain de Saxe qui ont constitué le premier groupe de frères autour de saint Dominique, c’est une personnalité connue qui a rejoint l’Ordre naissant en la personne de Maître Réginald d’Orléans, maître en droit canonique. Il est représenté ici comme un jeune homme, mais c’était probablement un homme d’au moins quarante ans. L’histoire de sa vision de la Vierge Marie lui remettant l’habit de l’Ordre, ou le scapulaire, a beaucoup contribué à sa notoriété.

Biographie du bienheureux Réginald
  • Naissance vers 1175 à S. Gilles du Gard
  • Décès à Paris, le 1 février 1220
  • Culte confirmé en 1875 par Pie IX
  • Fête le 12 février

À 18 ans il vient à Paris où il fait de brillantes études et enseigne le droit canon de 1206 à 1211, puis il est nommé doyen de la collégiale Saint-Aignan d’Orléans. Les intérêts considérables du Chapitre de Saint-Aignan réclamaient à cette époque un homme expert dans l’art de la procédure. Réginald fut élu prévôt du Chapitre, mais rêvait de devenir pauvre et libre. En 1216, l’évêque d’Orléans, ayant fait vœu d’aller en pèlerinage aux Lieux Saints, le prend comme compagnon de voyage. À Rome, Réginald rencontra saint Dominique (c’est l’époque où st Dominique est auprès du pape Honorius III pour faire approuver son Ordre), et fut saisi par sa parole. Le plan du pauvre de Dieu, son zèle, son affranchissement vis-à-vis de toutes choses humaines, sa liberté pour l’œuvre de Dieu, son intelligence des besoins du temps et spécialement des milieux qu’avait fréquentés l’ancien professeur, c’était le rêve secret de Réginald réalisé… Du coup, il se met à l’entière disposition de st Dominique. Mais à peine Dominique l’a-t-il conquis, le voilà menacé de le perdre. Réginald tombe gravement malade. Pourtant dans la nuit une douce lueur : la Vierge Marie apparaît. Près d’elle, sainte Catherine et sainte Cécile. « Demande-moi ce que tu veux et je te le donnerai », dit la Vierge. Réginald s’en remet à son bon plaisir. Alors la Vierge fit des onctions sur ses membres malades, puis, des mains de Catherine prenant le scapulaire, elle dit à Réginald : « Voici l’habit de ton Ordre. » La Vierge disparut, Réginald se trouva guéri. Il fut aussitôt mis par st Dominique à la tête du couvent de Bologne.

À peine arrivé, il prêche et Bologne accourt. Diane d’Andalo, future fondatrice du monastère dominicain Sainte-Agnès de Bologne, est aussi retournée. Elle deviendra sa fille spirituelle et aidera à la mise en place du couvent des frères. En huit jours donc, par sa parole, Réginald a conquis la ville. L’université est entamée. Les maîtres et les étudiants s’empressent autour de sa chaire, plusieurs demandent l’habit de l’Ordre. En 1219, après trois ans en Espagne, saint Dominique retrouvait une communauté nombreuse et vivante, là même où quelques frères languissaient auparavant. Il envoie Réginald à Paris à l’automne de cette même année, mais Réginald dut renoncer à toute prédication. Il eut juste le temps de décider Jourdain de Saxe à entrer dans l’Ordre avant de mourir. Jourdain le raconte dans son Libellus « Frère Réginald, de sainte mémoire, s’en vint donc à Paris et se mit à prêcher avec une ferveur spirituelle infatigable, par la parole et par l’exemple, le Christ Jésus et Jésus crucifié. Mais le Seigneur l’enleva bientôt de la terre. Parvenu vite à son achèvement, il traversa en peu de temps une longue carrière. Enfin, il tomba bientôt malade et, arrivant aux portes de la mort charnelle, s’endormit dans le Seigneur et s’en alla vers les richesses de gloire de la maison de Dieu, lui qui, durant sa vie, s’était manifesté l’amant résolu de la pauvreté et de l’abaissement. Il fut enseveli dans l’église de Notre-Dame-des-Champs, car les frères n’avaient pas encore de lieu de sépulture.

La nuit même où l’esprit de ce saint homme s’envola vers le Seigneur, j’eus une vision. Je n’étais pas encore un frère selon l’habit, mais j’avais déjà émis ma profession entre ses mains. Je voyais donc les frères portés par un navire à travers les eaux. Puis le navire qui les portait coula ; mais les frères sortirent indemnes des eaux. J’estime que ce navire est frère Réginald lui-même, que les frères de ce temps, vraiment, considéraient comme le nourricier qui les portait.
Un autre eut également une vision avant la mort du frère. C’était une fontaine limpide qui se fermait ; deux autres jaillissaient aussitôt pour la remplacer. Je n’ose décider si cette vision disait vrai, car je suis trop conscient de ma propre stérilité. Mais je sais une chose, c’est qu’à Paris frère Réginald n’a reçu à la profession que deux personnes, dont je fus la première ;

la seconde était frère Henri, le futur prieur de Cologne, l’ami le plus cher dans le Christ à mon affection singulière, je le crois, entre tous les mortels, vase d’honneur et de grâce, plus rempli de grâce qu’aucune créature que j’aie souvenir d’avoir aperçue dans la vie d’ici-bas. Puisque, dans sa maturité précoce, il s’est hâté de pénétrer dans le repos du Seigneur, il ne sera pas inutile de rappeler quel homme il fut et de quelles vertus. »
Jourdain se souvient de ces paroles de Réginald qui ont valeur de testament dans l’Ordre : « Je crois n’avoir aucun mérite à vivre dans cet ordre, répondit-il, car j’y ai toujours trouvé trop de joie. » Il meurt en odeur de sainteté. Son tombeau à Notre-Dame-des-Champs s’illustra de miracles et c’est là que commença son culte, qui fut confirmé en 1875.

56. La même année, maître Dominique se trouvait à Rome lorsqu’y parvint le doyen de Saint-Aignan d’Orléans, maître Réginald, qui se préparait à traverser la mer. C’était un homme de grande renommée, savant très docte, illustre par ses dignités, qui avait occupé cinq ans à Paris la chaire de droit canon. À peine arrivé, il tomba gravement malade. Maître Dominique vint lui rendre quelquefois visite. Quand il l’engagea à suivre la pauvreté du Christ et à s’associer à l’ordre, il obtint son consentement libre et plein d’y entrer, au point que maître Réginald s’y astreignit par vœu.

57. Or Réginald guérit de sa maladie grave et d’un péril presque désespéré, non sans l’intervention miraculeuse de la puissance divine. Car la Vierge Marie, reine du ciel, mère de miséricorde, vint à lui sous forme visible au milieu des ardeurs de la fièvre et frotta d’un onguent guérisseur qu’elle portait avec elle, ses yeux, ses narines, ses oreilles, sa bouche, son nombril, ses mains et ses pieds, en ajoutant ces mots : « J’oins tes pieds avec l’huile sainte, pour qu’ils soient prêts à annoncer l’Évangile de paix. » Elle lui fit voir en outre tout l’habit de notre ordre. Tout aussitôt il se trouva guéri et si subitement reconstitué dans tout le corps que les médecins, qui avaient presque désespéré de sa convalescence, s’étonnaient de constater les signes d’une guérison achevée. Dans la suite maître Dominique fit connaître publiquement ce remarquable miracle à bien des gens qui vivent encore. J’ai moi-même assisté naguère à Paris à une conférence spirituelle où il le raconta à un assez grand nombre de personnes.

Jourdain de Saxe, Libellus sur les origines de l’ordre des Prêcheurs, 56-57.

Sur cette base de la vision de « tout l’habit de notre ordre », s’est développée l’image de la Vierge donnant le scapulaire à Réginald, reprise entre autres dans la Vie de saint Dominique, publiée par le P. Lacordaire en 1840.

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