Histoire de la construction

Retour au plan général.

L’histoire de la fondation du couvent et de la construction de l’église a fait l’objet d’un colloque d’historiens, à l’occasion du 150e anniversaire de la bénédiction de l’église. Les Actes du colloque, publiés par l’université Lyon 3, sont en vente au presbytère de la paroisse du Saint-Nom de Jésus, sous le titre Un passé recomposé, textes réunis par J.-M. Gueullette, Lyon, LARHRA, 2015. Toutes les contributions sont accessibles en ligne, ainsi que les annexes.

La restauration de la vie dominicaine à Lyon en 1856

Réduite à néant par la Révolution, la vie dominicaine s’est développée à nouveau à Lyon à partir de 1856, grâce au soutien apporté par Camille Rambaud, grande figure du catholicisme social lyonnais. L’église a été construite rapidement, puisqu’elle était inaugurée sept ans plus tard. (Voir les dates principales de la construction. Vous pouvez également revenir au plan général de l’église.)

Camille Rambaud et Louis Potton, deux jeunes Lyonnais, sont nés respectivement en 1822 et 1824, dans les milieux de la soie. Ils sont élèves ensemble au lycée, où ils sont en particulier marqués par l’enseignement d’un homme assez exceptionnel, l’abbé Noirot qui avait été également le professeur de philosophie de Frédéric Ozanam. Ils débutent leur vie professionnelle en travaillant ensemble dans le commerce de soierie de M. Potton père. En 1846, Camille Rambaud devient l’associé de M. Potton père, et l’entreprise devient la maison Potton-Rambaud.

Une amitié à l’origine de la fondation

En descendant un jour ensemble de Fourvière, ils font la connaissance de Jeanne Garnier ; entourée déjà de quelques compagnes, elle se dévouait auprès des femmes pauvres atteintes de cancer. Elle sera la fondatrice de la congrégation des dames du Calvaire, religieuses qui sont à l’origine de la maison Jeanne Garnier, centre de soins palliatif important à Paris.

L’exemple de cette femme et de son dévouement contribue à faire réfléchir les jeunes gens sur leur engagement, chrétien et social. Alors que Louis entre au noviciat dominicain de Flavigny en 1850, l’exemple et l’amitié de Jeanne Garnier encourage Camille Rambaud dans sa volonté de se mettre au service des pauvres, en restant laïc. Il commence par louer un logement proche de Saint-Pothin, à l’angle Molière/Lafayette, où il réunit le dimanche matin des enfants des rues, qu’il conduit ensuite à la messe. Cette œuvre se développe peu à peu, ce qui n’est pas sans entraîner des réactions. Camille Rambaud loue alors aux hospices civils un terrain rue Bugeaud, au chevet de Saint-Pothin, et y construit une maison à ses frais.

En 1854, Camille Rambaud décide de tout quitter pour se mettre au service des enfants des rues. Il négocie avec difficulté son retrait de l’affaire dans laquelle il était associé avec M. Potton père. Camille Rambaud quitte alors la proximité de Saint-Pothin pour aller s’installer à la Guillotière, où il entreprend de construire un ensemble plus vaste pour accueillir ses enfants et y vivre avec eux, la Cité de l’Enfant Jésus.

La Cité de l’Enfant Jésus en 1910

Au loin, vers les Brotteaux, il aperçoit au delà du terrain vague qui les sépare l’immense Cité du Rhône, des logements ouvriers ; il rêve de construire pour desservir cette population délaissée une chapelle, à l’angle de la rue Bugeaud et de la rue Tête d’or. Mais les inondations du Rhône, le 6 mai 1856, le détournent temporairement de ce projet, car il se consacre avec son énergie coutumière à recueillir des sinistrés et à organiser des secours. C’est quelques mois plus tard, le 3 août 1856 que durant la messe lui vient l’idée de proposer aux dominicains un terrain à l’endroit où il avait imaginé sa chapelle, pour qu’ensuite ils y établissent un vrai couvent. Son ami le P. Potton devant prêcher le panégyrique de S. Dominique le lendemain au collège d’Oullins, rattaché à l’ordre dominicain en 1855, il va le rencontrer, lui sert la messe et lui fait part de son projet.

Entre rue Bugeaud, rue Tête d’Or et rue Cuvier en 1880

Les choses ne traînent pas : quelques semaines plus tard, le P. Jandel, maître de l’Ordre, lui même vient à Lyon voir les lieux et trouve que le terrain choisi est trop petit (c’est actuellement le square en face de l’église). Il encourage Camille Rambaud à louer aux Hospices le « pré des marguerites blanches », sur lequel est bâtie une petite maison. Il est convenu que la maison sera mise en état pour accueillir une douzaine de religieux, et qu’une chapelle sera construite. Camille Rambaud construit cette chapelle en briques à l’emplacement du cloître actuel, à distance de la rue Bugeaud. Pour une chapelle provisoire, elle est déjà de bonne taille (250m2) ; elle sera pourtant détruite lors de la mise en service de l’église actuelle, sept ans plus tard !

Le 24 décembre 1856, le P. Danzas, prieur provincial, célèbre une première messe dans cette chapelle et inaugure la nouvelle communauté, d’emblée composée onze religieux. Ce qui frappe immédiatement les visiteurs, c’est le silence et l’austérité dans lesquels vivent ces frères, qui ont renoncé pour un an à tout apostolat afin de faire une sorte de second noviciat centré sur les observances monastiques. Un témoin laïc raconte :

Avant de prêcher le courage et la résignation dans les souffrances, avant de stigmatiser le luxe et la soif des jouissances matérielles, ils ont voulu, comme leur Maître crucifié, s’imposer toutes les privations du corps et ne rester étrangers à aucune des misères endurées par le pauvre. « Ne faut-il pas, me disait le Père qui recevait ma visite, que nous ayons souffert autant et plus que le pauvre pour pouvoir lui parler de ses misères et lui dire avec certitude qu’elles sont toujours supportables pour un cœur qui a placé sa confiance en Dieu ? » Il est certain qu’il n’y a ni souffrance du froid, ni souffrance de la faim, ni aucune sorte de privations qui ne soient subies par ces admirables religieux dont la foi, le calme et la force sont une prédication aussi énergique que le pourrait être le plus éloquent de leur discours.

Il y a dans le projet des frères qui fondent ce couvent une forme de prédication par l’exemple, par la pauvreté et l’austérité de la vie, dont il faut en effet souligner que l’une des principales limites est que les religieux en question quelle que soit leur générosité, ne connaissait et ne connaitrait jamais la précarité réelle des pauvres, du fait de leur appartenance à un Ordre qui les assurerait toujours de sa solidarité, et qu’ils ne savaient rien de la pauvreté culturelle, du manque d’éducation et de culture dont pouvait souffrir les pauvres qui les entouraient.

Le P. Danzas, qui a dessiné les vitraux de l’église

L’objectif des frères et du P. Danzas en particulier est de construire une belle église, dont la présence dans ce quartier misérable sera un signe qui touchera les cœurs.

Au milieu de masures dans une rue misérable, la chapelle fleurit brusquement, comme un précieux reposoir ogival dressé pour la joie des pauvres.

E. Bauman, 1927

Le P. Marie-Augustin, dont le cœur a été placé dans le mur de droite de la chapelle du Rosaire a en effet entrepris très rapidement de développer ici la dévotion au Rosaire. La récitation publique du rosaire ayant attiré de nombreux fidèles, il a peu à peu organisé une récitation perpétuelle, impliquant des fidèles au delà de Lyon, si bien qu’en trois ans, il avait réuni 60 000 associés, et qu’en 1874 lorsque les frères feront appel à ce réseau pour financer la fin des travaux, ils font mention de 600 000 personnes dans toute la France. C’est en particulier à cause de l’affluence suscitée par la prière du Rosaire et par les réunions des Chevaliers de Marie que décision fut prise de bâtir une église plus vaste que la chapelle construite par Camille Rambaud.

Louis Antoine Maurice Bresson, architecte de l’église du Saint-Nom

Le P. Danzas trace le plan d’une nouvelle église, dans un style proche de celui du XIIIe siècle, ce qui participe du désir des fondateurs d’un retour à l’origine de l’Ordre. M. Bresson, architecte proche de Baussan (l’architecte de Fourvière), prend en charge la maîtrise d’œuvre, sous la maîtrise d’ouvrage attentive du P. Danzas. En un délai très rapide, en comparaison avec d’autres constructions de l’époque, en six ans, l’église est suffisamment aboutie pour que puisse être célébrée la bénédiction par le cardinal de Bonald, archevêque de Lyon, le 16 août 1863. On voit ses armoiries sur la première des clefs de voûte de la nef.

Le frère Joachim Durif, principal artisan des vitraux

La grande originalité de cette église est son programme iconographique, puisque l’intégralité des vitraux a été dessinée par la main du P. Danzas et qu’environ la moitié en a été réalisé sur place, par des frères convers, les frères Joachim DurifGilles BrossetteEugène Baudin et Arbogaste Heinis. Une grande partie de ces vitraux trouve sa source dans des peintures de Fra Angelico, de même que l’architecture s’inspire de celle du XIIIe siècle, considéré comme une sorte d’âge d’or de la vie dominicaine.

Le sculpteur Joseph-Hugues Fabisch

C’est un sculpteur lyonnais célèbre, J.H. Fabisch, qui a réalisé une grande partie des statues, en particulier celle de la Vierge, à l’autel du Rosaire. Les deux autres vierges qu’il a réalisées sont plus connues, puisque c’est Notre-Dame de Fourvière, et la Vierge de la grotte de Lourdes…

La Vierge du Rosaire dans l’église du Saint-Nom
Retour en haut